Inauguration du BioWall à Sainte-Croix
1 février 2002

Madame la Conseillère d'Etat,
Monsieur le Président du Grand Conseil,
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Syndic,
Mesdames, Messieurs, chers Collègues, chers Amis,

"En 30 ans de Borgias, de meurtres, de sang et de terreur, l'Italie vit fleurir la Renaissance, Michel-Ange et Léonard de Vinci. En 500 ans de paix et de démocratie, que nous a apporté la Suisse? Le coucou."

Cette déclaration tonitruante d'un géant du cinéma, Orson Welles, méritait un démenti cinglant. Et aujourd'hui, à Ste-Croix, dans un cinéma, nous tenons à dire que des hommes et des femmes de cette région, la Watch Valley, ont tordu le cou au coucou de Welles et montrent que ce Pays est à la pointe de la science et de la technique.

Maîtriser la fiabilité des systèmes complexes est l'un des défis les plus brûlants de la technologie contemporaine. L'informatique extrême doit assurer le fonctionnement sans faute d'une sonde automatique fonçant sur Jupiter, d'une centrale nucléaire, d'un avion gros porteur ou d'un train à très grande vitesse. On sait que des physiciens concoctent déjà en laboratoire des dispositifs à l'échelle atomique; la miniaturisation ultime des puces électroniques nous ramène alors au même défi que celui du monde vivant, la réalisation d'objets parfaits à l'aide de composants imparfaits.

L'autoréparation -c'est-à-dire la capacité de détecter automatiquement une faute et de la réparer sans intervention humaine- est la clef de ce défi. Et c'est un modeste ver de terre, le Caenorhabditis Elegans, qui nous mettra sur la piste. Nous avons tous observé que ce fascinant nématode, coupé en deux, est capable de se régénérer. Chez les biologistes, C. elegans est une star. Transparent, il ne cache rien de son anatomie: on a donc pu analyser très précisément son développement embryonnaire qui constitue le modèle grossier du BioWall, notre mur informatique bio-inspiré. A la stupéfaction des ingénieurs, le développement de C. elegans est étonnamment déterministe: un spécimen en bonne santé comporte toujours 959 cellules, pas une de plus, pas une de moins, et dans chacune de ces 959 cellules prend place une copie du génome, le plan décrivant dans tous ses détails le fonctionnement de l'organisme complet.

C'est cette qualité fondamentale que nous avons empruntée à la vie: chaque partie de notre organisme artificiel, le BioWall, comporte le plan du tout. Cette redondance massive permet l'autoréparation, voire l'autoréplication.

Il était naturel que notre première application, que vous découvrirez dans quelques minutes, soit une horloge géante bio-inspirée. Nous sommes particulièrement heureux de dévoiler le premier prototype du BioWall dans ce lieu mythique de Sainte-Croix, cité au destin industriel exceptionnel, renommée par la production des automates mécaniques, des boîtes à musique, des machines à écrire, des caméras et projecteurs. Le BioWall, basé sur la logique binaire, le langage de l'informatique, renouvelle la technique digitale des boîtes à musique, où chaque picot du cylindre est un "1", l'absence de picot un "0". Cette contribution scientifique et technique, aujourd'hui unique au monde, veut rendre hommage aux hommes et aux femmes qui ont oeuvré depuis des décennies pour exporter dans le monde entier les produits extraodinaires de ce lieu, le travail patient et de très haute qualité, à l'image du chef d'oeuvre du compagnon.

Notre recherche a vu son aboutissement grâce au soutien sans faille de Madame Jacqueline Reuge, veuve de Monsieur Guido Reuge, chef d'entreprise et ancien patron de l'entreprise Reuge, fabrique mondialement renommée pour sa production de boîtes à musique. Mais le BioWall n'est pas tout nu: il palpite dans un superbe écrin, la Villa Reuge. Un magicien a réussi ce tour de force: transformer la villa familiale du couple Reuge en un lieu voué à célébrer le génie de cette région, tant sur le plan scientifique, technique que culturel. C'est grâce au talent et à l'opiniâtreté d'Etienne Delessert, dessinateur, peintre et sculpteur internationalement reconnu, que notre aventure a pu se poursuivre jusqu'à son heureuse conclusion. Merci de tout coeur à la fée et au magicien qui se sont penchés sur le berceau du BioWall.

Last but not least, le BioWall est le fruit d'un travail d'équipe. A tous les mousquetaires du Laboratoire de systèmes logiques de l'EPFL, sous la ferme direction de Christof Teuscher, à tous les collaborateurs extérieurs au Labo -Service de presse et d'information, Service audio-visuel, Service électrique, Service des relations industrielles, Service de reprographie de l'EPFL-, à tous les fournisseurs, j'adresse mes remerciements très chaleureux. J'associe à ces remerciements les responsables de l'EPFL, représentée par Mr Nicolas Henchoz, Adjoint du Président, de la Fondation Leenaards, représentée par son Président Mr Jean-Jacques Cevey, et du Fonds national suisse de la recherche scientifique qui ont également appuyé notre recherche et contribué à son succès.

Longue vie à la Villa Reuge! Et que vive le BioWall!

Daniel Mange